Tombé pour la FranceCa faisait longtemps que les mots pendaient au bout du clavier, mais ils ne formaient jamais de phrases. Parce que ça arrive hein, le manque d'inspiration.
(mea culpa: OK)
Voici donc le retour de la vengeance de la belge en France.
Et à peine arrivée qu'ils crâment déjà les voitures. Ca va, ça va, moi aussi je suis une immigrée.
Moi aussi, j'ai du mal à me faire à leur découpe bizarroïde de la viande en bavette, tendron, collier et autre rumsteak dont on n'entend jamais parler chez nous.
Moi aussi, je ne comprends pas quand on me propose un gâteau et que je ne reçois qu'un biscuit. Le gâteau, dans mon pays, ça s'achète dans un pâtisserie et ça inclut généralement de la crème à un certain stade.
Moi aussi, je pleure devant ce que les propriétaires parisiens osent louer aux gens. C'est pas à Bruxelles qu'on se contentera d'un appart consistant en 4 murs et un plancher.
Moi aussi, je me sens perdue en parcourant le folder SFR de 50 pages. L'objectif semble être de noyer le lecteur sous les tableaux et les offres et les astérisques pour être CERTAIN qu'il ne comprendra rien au final. Histoire qu'il prenne le premier forfait venu.
D'ailleurs, moi aussi je n'aime pas les forfaits. Je n'ai strictement aucune idée du nombre exact de minutes que je pourrais hypothétiquement passer au téléphone mensuellement. Donc, un forfait 70 min ou un forfait 30 min, ça ne me parle absolument pas.
Moi aussi, j'ai la flemme de devoir faire deux heures de métro pour enfin accéder à la civilisation. Je vis dans ce qu'ils appellent la "Zone 3" mais que je qualifierais de "zone" tout court. Pas besoin de numéro pour comprendre que c'est... loin.
Et moi aussi, je ne capte rien à leurs abbréviations de niveau d'études: BEP, CAP, DUT, BTS, IEP, IUP,... Je suis quoi moi? FLL? Fait Les Langues?
Mais est-ce que je crâme les voitures, moi?
Tout n'est pas si noir, voyons!
Ceci dit, c'est vrai que les belges sont privilégiés en France ces temps-ci. Merci à Geluck et à Poelvoorde, grâce à eux, on est à la mode. Même
Marmiton.org (mon site de recettes préféré) affiche un menu spécial Belgique. Avec cette phrase mémorable:
"La cuisine Belge est parfois un peu trop ramenée aux moules-frites, alors qu'elle sait si bien allier finesse, saveur et convivialité. Sortons du cliché !". Toutes les fois où j'ai eu l'occasion d'affirmer ma belgitude, les autochtones y sont tous allés de leur petite expérience de telle ou telle ville belge et de leur merveilleux souvenir de ces gens si hospitaliers que sont les belges.
Constatation cocasse que voici: les français
nous aiment bien!! Quand ils se moquent avec leurs grosses vannes bien lourdingues, c'est en fait un signe d'affection! Ils nous trouvent très mignons, avec nos moules et nos frites, notre accent bourrin qu'ils n'arrivent pas à imiter et notre pays bizarre. Il y a deux clans de français: celui qui n'a jamais mis les pieds en Belgique et qui croit qu'on y parle le belge, un mélange obscur du ménapien et d'un dialecte viking, et il y a le français qui sourit en entendant "Belgique" parce que pour lui, c'est un peu la France aussi. Bon, dans les deux cas, ils sont carrément à côté de la plaque. Mais dans les deux cas aussi, le belge garde sa Belgian touch, si exotique. Pourquoi cette vision de la Belgique vue par un français est-elle cocasse? Ô, vous belges qui me lisez, vous avez déjà compris où je veux en venir: le belge n'aime pas le français. Et le français l'ignore. Un belge est capable de donner une mauvaise indication routière à un homme roulant avec une plaque française. Exprès, pour le plaisir. Alors oui, le belge est méchant. Mais il est méchant parce qu'il est frustré. Non, nous ne sommes pas des ex-français séparés de la mère-patrie par un hasard de l'histoire! Non, nous ne sommes pas des extraterrestres barbares aux coutumes insolites! Nous sommes aussi différents d'un français qu'un néerlandais l'est d'un allemand. A l'exception de la langue (et encore!) et de quelques similitudes, les mentalités divergent.
350 km entre Bruxelles et Paris. 750 km entre Paris et Marseille. Malgré les contestations de mon cher et tendre, les différences de mentalité ne sont pas comparables. Je le sens encore plus maintenant que j'y vis: la France, état centralisé, très engagé politiquement, inquisiteur et organisé. L'exact contraire de mon pays. Le jour où Verhofstadt fera un discours à la Villepin comme celui d'hier soir, c'est que la grippe aviaire nous aura tous décimés. Il n'y a peut-être que les purs et durs que ça touche, ceux qui écoutent l'hymne national avec la main sur le coeur, mais en Belgique, ça fait belle lurette qu'on n'en a plus, des comme ça (même pas moi!).
"Sortons du cliché !", dit Marmiton. Je suis bien d'accord; sortons du cliché du français arrogant, chauvin et perdant son temps en palabres inutiles!
Tiens, j'ai remarqué autre chose, à propos de fromage cette fois. Cet aliment, qui a à peu près autant de valeur pour un belge qu'un tas de sel, est sacré en France. Ce n'est pas peu dire. Le fromage, c'est une
partie du repas. Ce n'est jamais un repas en lui-même. Quand il est de qualité (c'est-à-dire, pas fait pour être fondu sur des spaghettis), il se mange sur du pain (pas beurré, le pain. Y'a qu'en Belgique qu'on a l'idée saugrenue de servir du beurre avec le pain dans les restos) ou alors il fait partie d'une recette portant son nom (comme dans "Tartiflette au reblochon" ou "Salade aux crottins de Chavignol"). Ca me marque peut-être d'autant plus que je vis avec un fan de camembert, mais j'ai quand même la nette impression que j'échapperais de peu au bûcher si jamais j'osais proposer la combinaison soupe + pain + fromage pour tout repas. Je n'ose même pas imaginer ce qui m'arriverait si je me risquais à mettre des dés de fromage dans une salade. Ou si je parlais de la fameuse tartine belge gouda - confiture.
A vrai dire et assez curieusement, c'est dans le secteur de l'alimentation que les différences entre les deux pays me gênent le plus. Un secteur dont je ne m'attendais absolument pas à ce qu'il pose problème. Pourtant, au vu des rayons des super et hypermarchés français, on serait en droit de se demander où se définit la fameuse gastronomie locale. La viande est deux fois sur trois coriace et grise, les fruits et légumes se gâtent avec une rapidité qui laisse perplexe, le pain industriel pourrit au bout de quatre jours et pour bien acheter, il faut acheter pour 8 personnes. Au final, je ne suis satisfaite qu'au niveau des yaourts et des produits d'hygiène. Encore un peu et je me transforme en "desperate housewife".
# posted by
Nocturnal Azure @
11:44 AM
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