Stomach translations of impure thoughtsJ'ignore pourquoi mes mauvaises digestions occasionnent toujours une terrible envie d'écrire.
(en fait, si, je sais. A force de rester couché en évitant de bouger pour ne pas renverser le contenu de l'estomac, on n'a plus que son cerveau pour penser)
J'ignore aussi pourquoi j'en viens à parler de façon aussi virulente de mangas.
(et là aussi, la réponse est toute trouvée. Inerte et roulée en boule que j'étais, je fixais mes yeux sur la première chose qui me paraissait divertissante: ma bibliothèque. Et d'en faire le résumé)
Plutôt que de me faire incendier sur un forum, je préfère laisser mes diatribes à l'intimité de mon blog. Je parlerai de la traduction des mangas.
Je ne citerai pas de nom. A quoi ça sert, sinon (outre le fait de balancer allègrement) à dévier le débat? "Ouais mais quand même, Trucmuche est bien traduit, très fidèle à la VO...", "Je n'ai jamais ressenti de gêne en lisant Machinbidule", et j'en passe. ON S'EN FOUT. Le fait est que la plupart des mangas sont mal traduits. Et surtout, surtout, qu'on nous ressort les bonnes vieilles excuses à 3frs50 pour le justifier.
"Le japonais est une langue difficile, tout en nuances et souvent difficiles à percer". Déconneeeer??? Bah fallait choisir l'espagnol.
"Nous travaillons d'arrache-pied pour vous fournir ce travail!" Ah bah tiens, c'est pas du tout ce que j'ai l'impression de faire tous les jours à mon taf! En fait, je pense que tout le monde essaie de faire de son mieux pour gagner sa vie, non? Argument zéro, c'est ton job, tu le fais, point final.
"On n'arrête pas d'être critiqués, c'est lourd!" Helloooo? Welcome to the real world! Dans la vraie vie, tu te fais virer quand on (le patron, le public) n'aime pas ton taf.
"Nous ne sommes qu'une petite maison d'édition, on n'a pas grand monde." Et visiblement, un ramassis de nuls puisqu'il faudrait être au moins 100 (et donc avoir une proportion plus importante de gens normaux) pour fournir un travail correct. Je ne dis pas que travailler en nombre restreint n'est pas difficile. Mais la qualité, ça devrait être possible. Difficile, mais possible. Nuance.
Et puis d'abord, depuis quand le public est-il censé être aussi proche du traducteur? La critique, on la trouve très facilement quand on la cherche. Rester dans l'ombre, c'est le lot de tous les traducteurs normalement constitués (le nom qu'on lit même pas, en petits caractères, en-dessous du titre).
J'admets tout ce qu'on veut, c'est loin d'être un métier facile, on est mal payés, on se fait saccager par l'adaptateur (parfois je me demande si je ne dois pas m'en prendre à lui, j'ai jamais compris son rôle: il est juste censé relire, non? Alors pourquoi tout chambouler?). N'empêche, un travail reste un travail. Et traduire en français bancal (sans parler des fautes d'orthographe, mais à ce niveau, on dirait presque que c'est devenu une règle standardisée), sans même faire attention à celui qui parle, ça commence à me courir sur le haricot. On ne compte plus les pronoms personnels errronés, les interprétations neu-neu de personnages (ah, les furyos qui parlent comme mes grands-parents...), les traductions littérales du japonais, ...
J'en vois déjà qui se demandent quelle mouche m'a piquée. Mais est-ce qu'on réalise seulement, tout fans de mangas que nous sommes, que nous sommes avant tout des CLIENTS. Des gens qui donnent du fric. Et il est loin le temps de la passion où on achetait à l'aveuglette tout et n'importe quoi. Ca fait combien de temps que l'on publie des mangas? Akira en 1990, soit 15 ans les aminches. En 15 ans, on perçoit toujours l'amateurisme de façon extrême. Le japonais est pas beaucoup plus difficile que n'importe quelle autre langue. On n'a jamais parlé, ce me semble, de l'insurmontable barrière linguistique qui empêchait tout traducteur d'interprêter le sens sybillin d'un roman japonais. Bizarre, les mangas, ça me paraît pourtant plus facile. La difficulté du japonais ne réside pas selon moi, dans la compréhension de la langue, mais bien dans l'application de celle-ci (en gros: connaissance passive, faisable; connaissance active, chapeau).
Je ne devrais pas m'en prendre qu'aux seuls traducteurs. Rien que voir une bulle inversée me donne à présent de l'urticaire alors qu'auparavant, dans toute ma naïveté otakiste, je m'appropriais délicieusement cette erreur ("oh, c'est des fans comme moi!"). Non, les lecteurs ne sont pas devenus plus exigents. Ils ont grandi, ont vu d'autres choses et se rendent compte qu'ils paient pour du travail (parfois, j'insiste) bâclé.
Quant à la proportion de mangas correctement traités, quelle est-elle? 3 sur 5? 4 sur 5 si on accepte que l'erreur est humaine? Pourquoi pas 5/5?? Pourquoi ne pourrait-on pas exiger la perfection pour ce qu'on achète?? Je veux pas d'une tomate à moitié mûre quand je vais au supermarché!
Ca fera bientôt 10 ans que je lis des mangas et 6-7 ans que je "côtoie le milieu", à savoir, que j'ai quitté ma période isolée d'otakisme patent pour partager ce que certains appellent communément une "passion" avec d'autres. Rien qu'en employant ce terme d'"otaku", je soulèverais les foules. Tenons-nous-en à la signification utilisée en francophonie, voulez-vous? Bref, ce milieu commence à me taper sur le système. Tout ce qui fleurait bon la solidarité et le communautarisme prend parfois des relents de non-dits et de purisme. Beaucoup d'amateurs qui se prétendent professionnels ou qui se targuent de passer avec la plus grande dis' un DEC sur le Japon.
C'est peut-être une crise anti-djeunz que je nous fais là? La vieille qui oublie ses années de folle jeunesse et qui juge sévèrement les insouciants adolescents qui gloussent sous ses fenêtres.
Je n'arrêterai pas de lire des mangas parce que j'aime en lire. Je suis simplement plus posée dans mes choix, comme beaucoup par ailleurs. Mais la linguiste en moi se hérisse toujours quand on ne respecte pas une langue.
Encore moins quand ça touche à ce que j'apprécie.
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Nocturnal Azure @
10:02 PM
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