Je rêve en plein et si je veux, je reviens
J'ai rencontré une esclave et une chèvre. Apparemment, dans ce pays-ci, il est commun d'employer les animaux comme esclaves également et la chèvre paraissait être la meilleure amie de la pauvre fille. Par contre, cette société était secouée par la révolution anti-esclavagiste. L'esclave me regardait donc d'un air méfiant et elle semblait prête à me sauter à la gorge plutôt que me donner les informations dont j'avais besoin pour la poursuite de mon voyage. Elle avait les cheveux courts, l'air rebelle d'une adolescente et portait des guenilles décolorées ainsi qu'un sac contenant sans doute le peu d'affaires personnelles dont elle disposait. Devant son air revêche, je me résolus donc à l'aborder autrement. Je sortai de mon propre sac une pipette de lait et quelques pilules nourrissantes provenant de ma ration de survie, posai les pilules par terre et lui tendai la pipette tandis que son expression passait de la suspicion à l'étonnement. Après quelques secondes d'hésitation, elle ramassa avidement les provisions et aspira le contenu de la pipette presque d'une traite. Je donnai le reste à la chèvre qui bêlait pour avoir son tour. A partir de ce moment, elle fut enfin convaincue que je n'allais pas l'obliger à être mon esclave, ni la livrer en pâture aux contre-révolutionnaires. Elle me raconta ce qu'elle savait: elle avait déjà tenté de s'échapper en allant de l'autre côté de la rivière. Il y avait d'abord une plage et ensuite des prés. Elle avait croisé près d'une centaine de vaches. Les troupeaux avaient été assaillis par des meutes de loups et elle n'avait pas osé s'arrêter pour la nuit. Son expédition s'était achevée ainsi.
Nous prîmes la voie des cieux dans cette direction, sous sa guidance. Alors que nous survolions la rivière, je vis un troupeau de vaches en train de la traverser. C'était des bêtes d'une espèce que je n'avais encore jamais vue; elles avaient un long pelage laineux, tournant vers le blanc cassé. Malgré la menace des loups (ou peut-être tout ce bétail n'était-il pas au courant), elles semblaient décidées à chercher de la nourriture de l'autre côté. Les animaux de cette planète semblent tous avoir le même rêve. Sur l'autre rive se trouvait effectivement une plage que les vaches mugissantes traversaient à grand peine, leurs sabots s'enfonçant dans le sable. Après la plage, quelques pinèdes et enfin... les prés. Des centaines de ruminants tous semblables y paissaient. L'herbe n'était pas verte mais jaune pâle et haute comme le blé. Nous continuâmes droit devant nous pendant quelques minutes encore, quand tout à coup, des éclairs verts se dispersèrent parmi les vaches, semant la panique. Une énorme meute de loups verts presque aussi grands que les vaches venait de décider qu'il était temps de dîner. Les vaches prenaient leur envol, les loups les poursuivaient dans les airs. Nous tentâmes de prendre de l'altitude, mais peine perdue. Ce fut un tableau surréaliste: les loups et leurs proies étaient devenus un tourbillon de vert et blanc montant vers le ciel, une nuée points verts et blancs gravitant autour de lui. Les couleurs se mélangeaient; le vert tendre des prédateurs contrastait avec la couleur sombre des arbres, le ciel bleu en arrière-plan faisait ressortir la blancheur des proies et la pâleur de leur cher pâturage. Nous prîmes conscience du danger de ce pourtant stupéfiant spectacle et décidâmes de trouver un refuge au sol. Nous nous posâmes parmi la pagaille du champ de bataille, mais les loups ne semblaient guère faire attention à nous, les vaches demeurant leur seule et unique cible. Au loin se trouvait un immeuble à appartements qui paraissait déserté mais qui pouvait faire une excellente cachette en attendant que les choses se calment. Alors que nous nous rapprochions en courant, je vis une terrasse en contrebas et une fenêtre entrouverte qui donnait vraisemblablement accès aux caves. L'endroit idéal. Je fus la première à sauter dans ce qui me semblait être une vieille buanderie. J'essayai alors de tirer vers moi le premier bout de tissu qui me tombait sous la main, pour aider les autres à entrer. La seule chose qui tomba dans mes bras fut un sac, celui de l'esclave. Je restai interdite et levai les yeux vers la fenêtre où j'entrevis un loup. Effrayée, me demandant où étaient les autres, j'entrepris de fermer les volets de la petite lucarne pour qu'il ne me voie pas. Je ne réussis mon entreprise qu'à moitié car l'animal, sans doute à cause du mouvement, se rapprocha de la fenêtre. A partir de cet instant, je n'osai plus bouger et à peine respirer. Le loup portait des lunettes de soleil. Ce devait être une des grosses pointures de la meute. Je savais qu'il m'avait vue mais il se demandait sans doute si j'étais une proie qui valait la peine de descendre dans ce trou. Alors qu'il faisait les cent pas devant ma tanière, reniflant de temps à autre pour essayer de déterminer ce que j'étais........... je me suis réveillée. Il était 9h14 du matin.
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Nocturnal Azure @
10:53 AM
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